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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/30

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m’avez pas attrapée, vous êtes piqué ; mais, au vrai, comment pouviez-vous croire, que je serois assez simple pour prendre Préville pour J.-J. Rousseau ? — Préville ! — Ah ! oui, niez-le, vous me persuaderez. — La tête vous a-t-elle tourné ? — J’avoue que Préville a été charmant, d’un naturel parfait ; il n’a rien chargé, on ne peut pas jouer mieux que cela, mais je parie, qu’à l’exception du costume, il n’a pas du tout imité Rousseau. Il a représenté un bon vieillard, très-aimable, et non Rousseau, qui certainement m’auroit trouvée fort extravagante, et se seroit formalisé d’un semblable accueil. » À ces mots, M. de Genlis et M. de Sauvigny se mirent à rire si démesurément que je commençai à m’étonner : on s’expliqua, et ma confusion fut extrême, en apprenant que très-véritablement je venois de recevoir J.-J. Rousseau de cette jolie manière. Je déclarai que je ne consentirois jamais à le recevoir si on l’instruisoit de ma bêtise, on me promit qu’il l’ignoreroit toujours, et l’on tint parole. Ce qu’il y a de plus singulier en tout ceci c’est que cette conduite, si niaise et si inconsidérée, me valut les bonnes grâces de Rousseau. Il dit à M. de Sauvigny, que j’étois la jeune personne la plus