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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/32

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petits yeux enfoncés dans la tête, mais très-perçans, et qui sembloient pénétrer et lire au fond de l’âme de la personne qu’il interrogeoit. Il me paroissoit qu’il auroit découvert sur-le-champ un mensonge, ou un détour ; ainsi je n’eus point de mérite à lui dire franchement que je n’avois pas lu ses ouvrages, parce qu’on prétendoit qu’il y avoit beaucoup de choses contre la religion. « Vous savez, répondit-il, que je ne suis pas catholique ; mais personne, ajouta-t-il, n’a parlé de l’Évangile avec plus de conviction et de sensibilité. » Ce furent ses propres paroles[1]. Je me croyois quitte de ses questions ; mais il me demanda encore en souriant pourquoi j’avois rougi en lui disant ce que j’ai rapporté ci-dessus. Je répondis bonnement que j’avois craint de lui déplaire. Il loua à l’excès cette réponse, parce qu’elle

  1. Si j’eusse connu ses ouvrages, j’aurois dit qu’il avoit en effet parlé de la religion avec la plus touchante éloquence, mais j’aurois eu le courage d’ajouter que son incompréhensible inconséquence à cet égard n’en étoit que plus coupable et plus révoltante, puisque souvent dans le même volume, par exemple dans Émile, il avait placé un éloge parfait de l’Évangile et des blasphèmes…
    (Note de l’auteur.)