Aller au contenu

Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

billet de trois lignes, qui me parut fou, car il exprimoit avec énergie le dédain, la colère et un ressentiment implacable. M. de Sauvigny vint mettre le comble à notre étonnement et à notre consternation en nous disant que Rousseau étoit véritablement furieux, et qu’il protestoit qu’il ne nous reverroit jamais. M. de Genlis, confondu qu’une attention si simple pût être si criminelle, demanda à M. de Sauvigny quelle raison Rousseau donnoit de ce caprice ; M. de Sauvigny répondit qu’il disoit qu’apparemment on croyoit qu’il n’avoit modestement demandé deux bouteilles que pour avoir un présent, que cette idée étoit injurieuse, etc. M. de Genlis me dit que, puisque je n’étois point complice de son impertinence, Rousseau, peut-être en faveur de mon innocence, pourroit consentir à revenir. Nous l’aimions, et nos regrets étoient sincères. J’écrivis donc une assez longue lettre, que j’envoyai avec deux bouteilles présentées de ma part. Rousseau se laissa toucher ; il revint : il eut beaucoup de grâce avec moi, mais il fut sec, et glacial avec M. de Genlis, dont jusqu’alors il avoit goûté l’esprit et la conversation, et jamais M. de Genlis n’a pu regagner entièrement ses bonnes grâces.