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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/40

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demanda l’auteur à plusieurs reprises ; enfin, son succès n’eut rien de douteux.

Nous sortîmes de la loge. Rousseau me donna la main ; sa figure étoit sombre à faire peur. Je lui dis que l’auteur devoit être bien content, et que nous allions passer une jolie soirée. Il ne répondit pas un mot. Arrivée à ma voiture, j’y montai. Ensuite M. de Genlis se mit derrière Rousseau, pour le laisser passer après moi ; mais Rousseau, se retournant, lui dit qu’il ne viendroit pas avec nous. M. de Genlis et moi nous nous récriâmes là-dessus : Rousseau, sans répliquer, fit la révérence, nous tourna le dos et disparut.

Le lendemain M. de Sauvigny, chargé par nous d’aller l’interroger sur cette incartade, fut étrangement surpris, lorsque Rousseau lui dit, avec des yeux étincelans de colère, qu’il ne me reverroit de sa vie, parce que je ne l’avois mené à la comédie que pour le donner en spectacle, pour le faire voir au public comme on montre les bêtes sauvages à la foire. M. de Sauvigny répondit, d’après ce que je lui avois conté la veille, que j’avois voulu baisser la grille. Rousseau soutint que je l’avois très-faiblement offert, et que d’ailleurs