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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/56

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Quoique j’aie naturellement beaucoup d’indulgence, et de bienveillance dans le cœur et dans le caractère, il y eut cependant alors dans le grand monde deux personnes pour lesquelles je sentis une véritable antipathie. L’une étoit le comte de Coigny, frère du duc et du chevalier ; il me poursuivoit partout, et plus je le voyois, plus il m’étoit odieux. Il avoit un visage que l’on pouvoit trouver beau, si un visage peut l’être avec des narines écartées et l’expression de la méchanceté : son regard étoit fixe, curieux, et questionneur ; j’ai toujours détesté ce regard-là. Un regard qui s’applique sérieusement à vous pénétrer éveille la crainte et la défiance, alors même qu’on n’a rien à cacher. Le comte de Coigny avoit ce qu’on appelle une belle carnation, et ce teint coloré, joint à la rudesse de sa physionomie, lui donnoit, à mes yeux, l’air d’un homme qui rougit de colère. Il ne manquoit pas d’esprit, mais cet esprit étoit sec, caustique et mordant, il étoit bien assorti à son âme. Le comte de Coigny devint mon ennemi, j’y gagnai du moins de le rencontrer beaucoup plus rarement. L’autre personne, dont le seul esprit me repoussoit, étoit ma-