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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/62

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énorme quantité de chatons, grands et petits. C’étoient des diamans, montés un à un, et détachés de manière qu’on les enfiloit en dessous par la monture, et on en bordoit des rubans, ou l’on en formoit des colliers à plusieurs rangs, que l’on serroit contre le cou. En passant pour aller souper, placée au milieu d’une longue file de femmes, madame de Berchini étouffa de son mieux un malheureux éternuement qui fit casser son collier de chatons ; elle en rattrapa quelques-uns, mais la plus grande partie tomba à terre et fut balayée par les queues majestueusement traînantes des robes et des dominos. Il n’y avoit pas moyen de s’arrêter pour ramasser les chatons dispersés ; il falloit suivre la

    d’un ton modeste et reconnoissant il remercioit madame de Mazarin en répétant qu’elle étoit trop bonne, qu’il étoit confus, qu’il ne méritoit pas des éloges aussi délicats, etc. L’embarras de la duchesse étoit inexprimable ; n’osant, par respect, le désabuser, elle ne savoit que répondre ; elle fut au supplice pendant toute cette représentation. Elle n’en fut pas quitte après le spectacle ; car, rentré dans le salon, le roi s’épuisa encore en nouveaux remercîmens qu’il fit à haute voix ; ne se lassant point de s’extasier sur la grâce et la finesse des allusions, et sur l’amabilité bienveillante des spectateurs qui les avoient tant applaudies.

    (Note de l’auteur.)