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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/66

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peu de temps après. C’étoit un homme de la plus monstrueuse grosseur qu’on ait jamais vu. Il m’a toujours paru un très-bon homme ; ma tante en comptoit plaisamment mille traits d’avarice, entre autres qu’à sa fête et au jour de l’an, sa seule galanterie étoit de lui avancer un quartier de sa pension. Au reste il avoit une fort bonne maison ; il n’y étoit pas gênant, car il n’y paroissoit que pour se mettre à table, ne parloit presque pas, disparoissoit après le repas. Il donnoit à ma tante quatre chevaux, dont elle disposoit uniquement, et il lui laissoit une entière et parfaite liberté. Il avoit soixante-dix-huit ans, et quatre-vingts mille livres de rentes, quand ma tante, dans sa dix-neuvième année, le préféra à tout autre… Ma tante, pendant sa maladie, qui dura huit jours, lui rendit les plus grands soins, mais ils furent inutiles ; il avoit quatre-vingt-dix ans, il s’éteignit doucement, et avec beaucoup de religion. Je ne quittai point ma tante pendant tout ce temps, et les trois derniers jours je couchai dans son lit avec elle. Je vis dans ces huit jours une personne qui n’avoit jamais été sur la terre, et qui, dès sa première jeunesse, s’étoit véri-