Aller au contenu

Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelque chose de tendre dans son regard et dans ses manières ; elle vit que je l’aimois (car peut-on révérer à ce point sans aimer !) ; elle en parut touchée, elle me serroit la main, je baisois la sienne, j’aurois voulu baiser ses pieds. Je lui demandai un jour pourquoi elle ne s’étoit pas faite religieuse, elle me répondit : C’est que j’aime les prisons. À propos de l’étonnement de ce qu’elle ne s’étoit pas enfermée pour sa vie, cette réponse me fit sourire, et m’attendrit. Je comprenois bien qu’elle avoit voulu garder sa liberté pour aller consoler ceux qui en étoient privés, ou pour les délivrer. Chaque âme pieuse a sa vocation particulière. C’est une inspiration céleste que nul homme et nul gouvernement ne doit contrarier.

Le soir de la nuit où M. de Montesson mourut, il parut si calme que ma tante et moi nous allâmes nous coucher à dix heures, parce que nous l’avions veillé toute la nuit précédente ; nous le laissâmes avec un prêtre, sa garde, et M. de Genlis, qui vit bien qu’il n’avoit que peu d’heures à vivre. Aussitôt que nous fûmes au lit ma tante très-fatiguée s’endormit. Une espèce de terreur me tint éveillée ; nous étions au-dessus de la chambre du mo-