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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/71

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léans vint voir ma tante à Vincennes, je remarquai en lui une petite nuance de refroidissement qui, je le vis bien, n’échappa point à ma tante ; je crois que M. le duc d’Orléans, depuis la mort de M. de Montesson, craignoit les desseins de ma tante, et ma tante fut persuadée que quelqu’un en secret l’avertissoit de se défier de son ambition. N’ayant personne à Vincennes à qui elle pût parler de ces suppositions, elle me prit enfin pour sa confidente, mais à sa manière, en voulant me tromper sur mille choses. Je la connoissois depuis la lecture de Mariane, et je ne fus sa dupe en rien. Quand une fois on a la clef des caractères artificieux on les devine plus facilement que les autres, si on a un peu d’esprit, parce que tout est calcul en eux : il ne s’agit pour les pénétrer que de savoir raisonner sur les intérêts qui les occupent. Ma tante m’assuroit qu’elle étoit dépourvue de toute ambition, qu’elle ne faisoit cas que du repos et de l’indépendance ; qu’étant jeune, ayant une existence agréable dans le monde, et quarante mille livres de rentes, si elle faisoit, avec son caractère, la folie de se remarier, tous les sacrifices seroient de son côté, et qu’elle ne feroit ces sacrifices