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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/84

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étoit étouffante ; le prince, en nage et très-fatigué, demanda la permission d’ôter son col ; il se met à l’aise, déboutonne son habit, souflle, respire avec tant de bonhomie, d’une manière et avec une figure qui paroissent si plaisantes à ma tante, qu’elle fait un éclat de rire immodéré en l’appelant gros père, et ce fut, dit M. le duc d’Orléans, avec une telle gaieté et une telle gentillesse, que de ce moment elle lui gagna le cœur, et il en devint amoureux. C’est un effet sûr avec les princes, que celui d’une familiarité imprévue, placée avec grâce à la suite d’une conduite respectueuse et réservée. Cette origine d’une grande passion n’en est pas moins singulière. Ce trait-là n’est pas du siècle de Louis XIV, mais le goût déjà quelquefois n’avoit plus la même noblesse et la même élégance.

Les lettres de M. le duc d’Orléans à ma tante, pendant son voyage en France, ne furent pas satisfaisantes ; il y en eut une surtout qui blessa tellement ma tante, qu’elle m’écrivit qu’elle voyoit bien que M. le duc d’Orléans n’avoit nullement les sentimens qu’elle lui avoit crus. Ma tante ne pouvoit cacher son dépit, dans cette lettre ; elle disoit,