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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/92

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faire. Il auroit dégoûté nos romantiques de la rêverie, qu’ils aiment tant ; il étoit excessivement rêveur, mais il ne rêvoit qu’au jeu. Sa femme étoit charmante, quoiqu’elle eût plus de quarante ans ; elle avoit des grâces qui ne vieillissent point, du naturel, de la naïveté dans l’esprit, de l’originalité, et le caractère le plus égal et le plus aimable.

Je connus là tout l’avantage d’avoir pour mentor une personne qui a un véritable désir de faire valoir celle qu’elle mène dans le monde. J’eus beaucoup de succès, non pas seulement pour la harpe, le chant et les proverbes, mais on loua mon esprit, ma conversation (qui pourtant étoient fort ordinaires). Quand je voulois le soir, suivant ma coutume, me retirer à onze heures, on me retenoit de force ; on relevoit avec éloge ce que je disois, on en citoit des traits le lendemain, et le plus souvent ces prétendus bons mots n’en valoient pas la peine. Je devois tous ces succès à madame de Puisieux, et à M. le duc d’Orléans, qui ne tarissoit pas sur les récits de mes gentillesses. On eut peine à nous laisser partir au bout de douze jours. J’avois beaucoup parlé de ma tante à M. le duc d’Orléans, en nous promenant