Aller au contenu

Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrivâmes ; nous trouvâmes de bons religieux, charmés de nous voir, qui nous donnèrent à déjeuner du lait de chèvre, qui nous parut délicieux. Leur petit couvent, placé au milieu de la plate-forme de la montagne, étoit charmant ; on y découvroit de partout une vue ravissante. Ces pieux solitaires planoient encore sur le monde qu’ils avoient quitté ; ils n’en voyoient que ce qu’il y a de plus vertueux, les travaux de la campagne. J’enviai leur demeure et leur tranquillité ; car, même au milieu du tourbillon du monde et de la dissipation, je n’ai jamais entrevu sans une profonde émotion, l’image d’une solitude absolue et d’une paix sans nuages. Je ne prévoyois pas alors, que vingt-deux ans après ce couvent seroit détruit, et ses vertueux habitans dispersés avec violence, et peut-être immolés !…

Le théâtre fut fait en une semaine, on y travailla jour et nuit, on apporta de Rouen une décoration toute faite. Pendant ce temps j’avois distribué les rôles de ma pièce, le mien étoit celui d’un vieil enchanteur, qui avoit deux cents ans, et que je supposois établi sur la montagne inaccessible, où il devoit rester jusqu’à l’arrivée de deux amans parfaits,