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LA FEMME

elle-même. Pour s’épargner la peine de se corriger de ses défauts, elle se persuada qu’elle pourroit les compenser en exaltant ses vertus, elle ne parvint qu’à gâter ses bonnes qualités par l’excès qui les fait dégénérer ou qui les rend dangereuses. Elle poussa le désintéressement jusqu’à la folie, et la générosité jusqu’à la duperie ; sa bonté devint de la foiblesse, son courage ne fut plus que de la témérité, sa franchise que de l’imprudence, et sa bonne-foi qu’une crédulité ridicule. Une sensibilité excessive lui rendit inutiles la finesse et la pénétration de l’esprit. Elle ne connut jamais bien les personnes qu’elle aima, et elle se fit de leur attachement pour elle, l’idée la plus romanesque et la plus exagérée. Enfin, Natalie, par son naturel, sa gaîté, par sa simplicité et sa bonhomie, plaisoit à ceux qui vivoient habituellement avec elle ; mais ne sachant ni se contraindre, ni s’ennuyer de bonne grace, elle choquoit souvent, par des saillies imprudentes, ceux qui la rencontroient. Moqueuse avec les gens ridicules, distraite et silencieuse