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crucifié, soit enchaîné et conduit à Rome par les soldats, pour être dévoré par les bêtes dans les spectacles donnés au peuple. »

On trouve dans Eusèbe et dans les Actes du martyre de saint Ignace des détails sur son voyage à travers la Macédoine. Il s’embarqua sur la mer Adriatique et passa dans la mer de Toscane. Arrivé à la vue de Pouzzoles, il voulait y descendre pour suivre les traces de saint Paul ; mais le vent contraire l’en empêcha. Il débarque enfin à Porto, à l’embouchure du Tibre ; et, de Porto, il vient à Rome. Il n’y a rien de plus touchant dans l’antiquité chrétienne que le combat entre les fidèles de Rome, accourus auprès de saint Ignace, pour l’empêcher de mourir, et saint Ignace qui n’aspirait qu’au bonheur du martyre. Saint Ignace resta inébranlable, et, conduit à l’amphithéâtre, il fut exposé aux bêtes et dévoré presque à l’instant.

Saint Ignace et saint Polycarpe sont, avec saint Clément, les premiers anneaux de la tradition de l’Église. On croit que c’est saint Polycarpe que saint Jean a voulu désigner sous le nom de l’ange de l’Église de Smyrne. Saint Ignace, quand il passa à Smyrne, trouva les fidèles conduits par son ami jusqu’à la plus haute perfection.

Il y avait plus de soixante ans que saint Polycarpe gouvernait l’Église de Smyrne, lorsqu’il fit le voyage de Rome. Saint Polycarpe désirait s’entendre avec le pape Anicet au sujet des différents usages des Églises sur la fête de la Résurrection. En Asie, on la célébrait le quatorzième jour de la lune, après l’équinoxe, au lieu qu’en Occident on ne la célébrait que le dimanche d’après. Les fêtes sont les témoignages les plus certains des événements, et l’on remarque ici que toutes les Églises célébraient la Résurrection du Sauveur. Saint Polycarpe ne put s’accorder avec le pape sur l’époque de la célébration ; ils convinrent cependant qu’il ne fallait pas pour cela rompre l’unité, parce que ce n’était qu’une question de discipline. Exemple remarquable ! où l’on voit que si le gouvernement de l’Église était monarchique, il n’avait rien des formes du despotisme.