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tète qui ne savent pas qu’ils le sont, et dont la vertu est poussée jusqu’à ignorer leur vertu même. »

Marc-Aurèle porta la guerre en Germanie. Les barbares, vaincus, faisaient la paix et recommençaient la guerre dès qu’ils avaient réparé leurs pertes. On pouvait prévoir dès lors qu’ils extermineraient les Romains ou qu’ils seraient eux-mêmes exterminés.

Domptés par Trajan, calmés par les concessions d’Adrien et par l’ascendant d’Antonin, ils se soulevèrent de toutes parts contre Marc-Aurèle : à l’orient, les Parthes ; à l’occident, les Maures et les Bretons ; au midi, les Bucoles de l’Égypte ; au nord, les nations qui s’étendent de la Batavie au Pont-Euxin. Les Alpes se couvrirent de bataillons ennemis, une armée romaine fut anéantie en Arménie, les Parthes se rendirent maîtres d’une partie de la Cappadoce et de la Syrie ; et les Maures, en possession de la Bétique et de la Lusitanie, étaient sur le point de subjuguer le reste de l’Espagne. L’Égypte, la Grande-Bretagne, la Gaule séquanaise révoltées ; les Cattes dans la Rhétie ; les Marcomans, les Quades, les Suèves, les Lombards, les Vandales, les Sarmates et les Alains pénétrant jusque dans la Vénétie, voilà le tableau que présentait l’empire quand Marc-Aurèle monta sur le trône. Les persécutions de l’Église commençaient à attirer la vengeance du Ciel, et déjà les Chrétiens annonçaient à Rome, qui versait le sang des martyrs, le sort de Jérusalem coupable d’avoir répandu le sang de Jésus-Christ, le premier des martyrs.

C’est dans ce siècle que la puissance romaine, parvenue au faîte de la grandeur, commença de pencher vers sa ruine : on la verra, dans la suite de nos tableaux historiques, décliner, depuis Trajan et les Antonins, jusqu’à la destruction de l’empire d’Occident par les Germains et les Scythes, dont les descendants forment aujourd’hui les nations civilisées de l’Europe.

« Marc-Aurèle, dit Gibbon, ne pouvait imaginer qu’il se trompât en se livrant aux mouvements de son cœur. Il était sans cesse entouré de ces hommes dangereux qui savent déguiser leurs passions et étudier celles du souverain, et qui,