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sur le trône : Nerva, Trajan, Antonin et Marc-Aurèle, comme si le génie du mal avait voulu opposer au Christianisme l’éclat des vertus humaines, après s’être servi de la férocité des Caligula, des Néron et des Domitien pour le persécuter. Mais ces princes, élevés à l’école de la philosophie, ne surent jamais se défendre des vices du paganisme, et Marc-Aurèle, le meilleur de tous, fut un persécuteur acharné des Chrétiens et ternit toutes ses vertus par l’adoption de Commode. Aussi ces empereurs philosophes avaient si peu fait pour la réforme des mœurs publiques, que Commode, qui succéda à Marc-Aurèle, put recommencer toutes les infamies qui avaient souillé le règne de ses prédécesseurs ; et cependant Sévère mit Commode au rang des dieux ; il institua des fêtes en son honneur et lui donna un pontife, tandis qu’il exposait aux lions Narcisse, qui avait étranglé ce monstre. Tous les prêtres, comme on sait, dépendaient de l’empereur depuis Auguste.

Auguste, après la mort de Lépide, s’était emparé du titre de grand-pontife ; il avait fait relever les temples abattus pendant les guerres civiles ; il en avait bâti de nouveaux, augmenté le collége des prêtres, et rétabli des sacrifices dans les carrefours. Les prêtres ne se faisaient distinguer que par le luxe de leurs tables et la richesse de leurs vêtements. Les empereurs successeurs d’Auguste avaient continué à être à la fois chefs de la religion et de l’état, et leur apothéose fit bientôt partie du culte public. Tibère avait offert des sacrifices à la divinité d’Auguste. On avait accusé Thraséas de n’avoir pas immolé des victimes pour la santé de Néron et pour la conservation de sa voix. Néron, en long habit de lin, avait offert des sacrifices à Cybèle. Domitien se donnait le titre de Dieu dans ses décrets et dans ses lettres ; il remplissait avec zèle ses fonctions de grand-pontife ; et il fit punir de mort et enterrer vives plusieurs vestales. « Religion vile et mercenaire, dit un écrivain moderne, impiété malfaisante, crédulité sans culte, qui s’attachait à mille impostures bizarres, étrangères à la patrie : confusion de toutes les religions et de tous les vices dans ce vaste chaos de Rome ; dégradation des esprits par l’esclavage,