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tout le soin imaginable, demeuraient dans la prison privés de tout secours humain, mais tellement fortifiés par le Seigneur, qu’ils consolaient et encourageaient les autres. D’autres, nouvellement pris, et dont les corps n’avaient point été maltraités, ne pouvaient souffrir l’incommodité de la prison et y mouraient.

« On tira premièrement de prison quatre martyrs, pour les exposer aux bêtes, dans un spectacle qui fut donné exprès pour les nôtres. Ces quatre furent Maturus, Sanctus, Blandine et Attale. Maturus et Sanctus passèrent de nouveau par tous les tourments dans l’amphithéâtre, comme s’ils n’avaient rien souffert auparavant. Ils furent traînés par les bêtes ; on leur fit souffrir tous les maux que le peuple furieux demandait par divers cris, les uns d’un côté, les autres d’un autre, et surtout la chaise de fer où on les fit rôtir, en sorte que l’odeur était sentie par tous les spectateurs. Mais ils n’en étaient que plus irrités. Ils ne purent toutefois tirer d’autre parole de Sanctus que la confession qu’il avait toujours faite dès le commencement. Enfin ces deux martyrs, après avoir longtemps résisté, furent immolés ce jour-là, ayant tenu lieu, dans ce spectacle, de tous les divers combats de gladiateurs.

« Blandine fut attachée à une pièce de bois pour être dévorée par les bêtes ; et ce spectacle donnait du courage aux martyrs, à qui elle représentait le Sauveur crucifié. On la traitait ainsi parce qu’elle était esclave. Aucune des bêtes ne la toucha ; elle fut détachée et remise dans la prison. Le peuple demandait instamment Attale ; car il était connu. On lui fit faire le tour de l’amphithéâtre, avec un écriteau où était en latin : « C’est le Chrétien Attale. » Le peuple frémissait contre lui ; mais le gouverneur ayant appris qu’il était citoyen romain, le fit remettre en prison avec les autres, attendant la réponse de l’empereur, à qui il avait écrit à leur sujet.

« En cet état, les martyrs firent paraître leur humilité et leur charité. Ils désiraient tellement imiter Jésus-Christ, qu’après avoir confessé son nom, non-seulement une fois ou deux, mais plusieurs fois, ayant été exposés aux bêtes, brûlés, couverts de plaies, ils ne s’attribuaient pas le nom de martyrs et ne nous permettaient pas de le leur donner. Mais si quelqu’un de nous les nommait martyrs, en leur écrivant ou en leur parlant, ils s’en plaignaient amèrement. Ils cédaient ce titre à Jésus-Christ, le vrai et fidèle témoin, le premier-né d’entre les morts, le chef de la vie divine, et faisaient mention de ceux qui étaient déjà sortis du monde. « Ceux-là, disaient-ils, sont les martyrs que Jésus-Christ a daigné recevoir dans la confession de son nom, la scellant ainsi par leur mort. Nous autres ne sommes que de petits confesseurs. » Ils priaient les frères, avec larmes, de faire pour