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les hommes, qui naissent avec la tache du péché originel, qu’un Sauveur va venir sur la terre pour les racheter de la mort. Il s’élève contre la circoncision et les autres pratiques des Juifs, qui avaient été ordonnées à cette nation lorsque Dieu la choisit pour son peuple et lui donna un signe qui l’empêchât de se confondre avec les autres hommes : signe inutile aujourd’hui, parce que cette nation déicide a été maudite, et que les prophéties sur Jérusalem s’accomplissent tous les jours. Enfin, par ces mêmes prophéties, dont il montre l’entière exécution, il prouve la vocation des gentils à la religion chrétienne.

Saint Justin expose nettement son sujet, le divise clairement, le discute avec force ; les traits sublimes d’éloquence se pressent sous sa plume, et ses paroles inspirées portent la persuasion dans le cœur de ceux qui ne se laissent pas dominer par la prévention. Mais l’œuvre qui a le plus contribué à faire donner à saint Justin le titre glorieux de docteur de l’Église, c’est sa double apologie en forme de supplique : la première adressée à Tite-Antonin le pieux, la seconde à Marc-Aurèle et à Lucius Verus. Les persécutions qu’on dirigeait alors contre les Chrétiens en furent la cause. Dans toutes deux, il venge les Chrétiens, par un tableau succinct et rapide de leurs mœurs et de leur doctrine, des attaques injurieuses et des accusations d’impiété, d’intempérance et d’athéisme que les païens suscitaient contre eux. Ses efforts furent couronnés de succès, d’après les lettres de l’empereur qu’il cite à la fin de sa première apologie, et dans lesquelles Antonin et Marc-Aurèle mandent à leurs préfets de faire cesser à Rome et en Asie les persécutions contre les Chrétiens qui n’auraient à répondre que de leur religion. On place encore parmi ses œuvres une épître à Diognète, qui paraîtrait antérieure aux écrits de ce Père, mais qui n’est ni moins belle ni moins précieuse à la religion. Ce qui distingue saint Justin, nous l’avons dit, ce sont la simplicité et la précision ; il répudie tous les ornements de la diction, il néglige l’art d’assembler des phrases qui charment l’oreille, il le dit lui-même : « Pourquoi chercher à plaire, quand on est vrai ? » Mais il ravit par la lucidité avec laquelle il présente la vérité. On découvre toujours plus en lui le philo-