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curer chez tous les peuples, ayant appris qu’il existait une histoire du peuple hébreu écrite en hébreu, et désirant de la connaître, fit venir de Jérusalem soixante-dix savants versés également dans les langues grecque et hébraïque, et les chargea de traduire ces livres. Et afin qu’ils pussent s’adonner entièrement à cette traduction et qu’elle fût plus promptement achevée, il fit faire, non pas dans la ville, mais à sept stades de là, dans l’endroit où s’élève le phare, autant de cellules qu’il y avait de traducteurs. Il voulut encore que chacun travaillât séparément et sans avoir aucune communication avec ses collègues ; il fit plus, il mit auprès d’eux des serviteurs chargés de pourvoir à tous leurs besoins et à ce qu’ils ne communiquassent nullement ensemble. C’était un moyen pour s’assurer de la fidélité de la traduction. Tous les traducteurs se trouvèrent d’accord entre eux. Et lorsque la traduction étant achevée, le roi reconnut que les Septante avaient rendu, non-seulement le même sens, mais encore s’étaient servi des mêmes expressions, sans la moindre différence entre le travail des uns et des autres, et qu’une concordance parfaite existait tant dans la pensée que dans l’expression[1] ; alors, frappé d’admiration et cer-

  1. La version des Septante est une traduction grecque des livres de l’Ancien-Testament faites pour les Juifs de l’Égypte qui n’entendaient plus l’hébreu. Le plus ancien auteur qui ait fait l’histoire de cette version se nomme Aristée, chef des gardes de Ptolémée, roi d’Égypte. Aristobule, autre Juif d’Alexandrie, philosophe péripatéticien, qui vivait cent vingt-cinq ans avant notre ère, et dont il est parlé dans le second livre des Machabées, fait le même récit qu’Aristée. Philon dit que les soixante-douze interprètes envoyés à Ptolémée étaient inspirés de Dieu. Josèphe ne change presque rien à la narration. C’est ce récit que saint Justin a rapporté. Saint Justin était allé à Alexandrie, où les Juifs lui racontèrent la même chose. Saint Jérôme, convaincu par lui-même des défauts de la version des Septante, n’ajoute aucune foi au récit d’Aristée ni à la tradition des Juifs. Tout ce récit contient évidemment des fables inventées après coup par les Juifs d’Égypte, pour donner du crédit à leur version grecque des livres saints.

    Tout ce que nous disons ici ne regarde que les circonstances évidemment fabuleuses de ce récit ; mais il n’y a aucun doute sur la réalité des interprètes