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des dieux dont je suis, moi, le créateur. » Il montre par là qu’il a une idée juste du vrai Dieu. Car, lorsqu’il eut appris, étant en Égypte, que Dieu, voulant faire de Moïse le chef des Hébreux, lui était apparu et lui avait dit : Je suis celui qui suis, dès lors Platon comprit que ce langage ne pouvait être que celui de Dieu même, qui n’avait pas dit son propre nom à Moïse.

XXI. On ne peut pas, en effet, donner à Dieu un nom qui lui soit particulier et personnel : car des noms particuliers étaient nécessaires dans cette multitude et cette variété d’objets, pour désigner les choses et les distinguer des autres. Mais personne n’a existé avant Dieu pour lui donner un nom ; et quand il a parlé de lui-même, il n’a pas cru devoir se donner un nom particulier, puisqu’il est seul et unique, comme il nous l’annonce par la bouche de ses prophètes, en disant : « Je suis le premier et le dernier ; hors de moi il n’y a point de Dieu. »

Voilà pourquoi, comme nous l’avons déjà dit, Dieu ne se nomme lui-même par aucun nom particulier, lorsqu’il envoie Moïse aux Hébreux ; mais il se désigne mystérieusement par l’emploi d’un participe, et se proclame ainsi le Dieu seul et unique. Je suis, dit-il, l’être existant ; opposant ainsi ce qui existe à ce qui n’existe pas, afin de faire comprendre que les hommes égarés par l’erreur avaient adressé leurs adorations à des êtres qui n’existaient point.

Car Dieu savait que les premiers hommes avaient conservé le souvenir de l’ancienne ruse, dont le démon avait fait usage pour séduire la race humaine, lorsqu’il leur disait : « Si vous m’écoutez en transgressant l’ordre de Dieu, vous deviendrez semblables à des dieux. » Le démon parlait donc de dieux imaginaires, afin de faire croire à Adam et à Ève que, s’il y avait d’autres dieux que le Dieu qui les avait créés, ils pourraient aussi eux-mêmes devenir des dieux. Aussi Dieu dit à Moïse : Je suis celui qui suis, afin de marquer, par l’emploi du verbe être, la différence qu’il y a entre le Dieu qui est et les dieux qui ne sont pas. Lorsque nos premiers parents, succombant aux séductions du démon, eurent désobéi à Dieu et furent chassés du paradis,