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sans arriver à la conclusion définitive, qui était de retrancher toute la religion. En effet, la raison ne peut rien décider ; d’une part, parce qu’elle est nécessairement suspecte de partialité dans des questions qui sont si élevées au-dessus d’elle, et qu’il est si naturel qu’elle veuille les abaisser à son niveau ; de l’autre, parce qu’elle varie selon les individus, et que nul individu n’est obligé d’obéir à la raison d’un autre. Loin d’appaiser les disputes, la raison n’est qu’un principe éternel de disputes. Si donc il n’existe pas, pour fixer la foi, une autorité visible et infaillible, il s’ensuit qu’il n’existe aucun moyen de démêler le vrai Christianisme à travers tant de contradictions, au milieu de tant de sociétés opposées qui se disent également chrétiennes. Donc, par les conséquences de leur principe, les protestants auraient dû rejeter tout le Christianisme.

C’est ce qu’a fait la philosophie moderne née du principe de Luther et de Calvin, et qui, en poursuivant ce principe, a passé successivement à l’abjuration de la religion chrétienne, puis au déisme, puis au scepticisme, puis au matérialisme, puis à l’athéisme.

Elle a montré à la fois plus d’étendue d’esprit et plus de corruption de cœur que toutes les sectes qui l’ont précédée. Plus d’étendue d’esprit : elle a vu ce qui avait échappé à celle-ci, toutes les conséquences d’un principe mis à la place du principe catholique. Plus de corruption de cœur : elle n’a pas reculé devant l’absurdité, l’immoralité et l’horreur de ces conséquences ! Elle n’a pas quitté le principe à cause d’elles ! Au contraire, ces conséquences destructives de toute morale et de toute société, elle s’est étudiée à les développer logiquement comme autant de corollaires de géométrie ; elle les a répandues et prônées comme des conquêtes du génie sur les préjugés, comme des lumières nouvelles qui allaient éclairer, affranchir les hommes ! Ô prodige de perversité ! D’où vient-elle ? De l’orgueil, de cet orgueil satanique qui se précipite imperturbablement dans tous les excès, plutôt que de confesser qu’il s’est trompé et qui dit : Périsse le monde, plutôt que notre principe !