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leurs intérêts, leur repos et leur vie, sans en avoir évidemment senti le pouvoir divin. Préférerons-nous aux suffrages unanimes des Pères les préventions et les clameurs d’une poignée d’incrédules ou d’athées qui blasphèment ce qu’ils ignorent, et qui ne se rendent pas moins suspects par le déréglement de leurs mœurs que par l’injustice de leurs déclamations ? » (De vero usu Patrum. Lib. 2, cap. 6.)

Ainsi l’antiquité chrétienne est honorée par ceux-là même qui font profession de s’en écarter en tout ce qui contrarie leurs inventions de secte.

Que dirons-nous de l’éloquence des Pères ?

Ne prenons pas l’éloquence pour ce qui n’en est que la forme ; ne la confondons pas avec la pureté du langage et l’élégance de la diction. On peut être froid écrivain avec ces deux qualités ; de même on peut être éloquent sans elles. Saint Paul écrivant dans un grec demi-barbare en est-il moins fort pour prouver, convaincre, émouvoir ? n’est-il pas, tour-à-tour, terrible, aimable, tendre, véhément ? Voilà de la vraie éloquence.

Tout homme est de son siècle plus ou moins. Les Pères vécurent dans les siècles de la décadence du goût et de la corruption des langues grecque et latine. Est-il étonnant que leurs écrits se ressentent des défauts de leur âge ? Il faut donc savoir distinguer ce que le malheur des temps a mis dans ces grands hommes, comme dans les autres écrivains de leur siècle, d’avec ce que la grandeur de leur génie et l’héroïsme de leurs sentiments leur inspiraient de vif, de pénétrant, d’affectueux pour persuader et entraîner leurs auditeurs.

« Un Père de l’Église, un docteur de l’Église, quel nom ! Quelle tristesse dans leurs écrits ! Quelle sécheresse ! Quelle froide dévotion et peut-être quelle scholastique ! disent ceux qui ne les ont jamais lus ; mais plutôt quel étonnement pour tous ceux qui se sont fait une idée des Pères si éloignée de la vérité, s’ils voyaient dans leurs ouvrages plus de tour et de délicatesse, plus de politesse et d’esprit, plus de richesse, d’expression et plus de force de raisonnement, des traits plus vifs et des grâces plus naturelles que l’on en remarque dans la plu-