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l’Asie. Dans la vieille mythologie romaine, l’indécence des dieux était, pour ainsi dire, corrigée par la gravité des cérémonies. Quelque chose de sévère se mêlait au culte même de Vénus : le temple élevé dans Rome à cette déesse semblait une expiation plutôt qu’une offrande. Il avait été bâti de l’argent des amendes prononcées pour crime d’adultère. Presque toutes les pompes du culte romain étaient sérieuses et solennelles ; mais la déesse Isis, ses prêtres et ses adorateurs ne s’annonçaient qu’au milieu de danses licencieuses, et ne favorisaient que de profanes amours. Ces jeunes filles romaines, élevées jadis sous la loi d’une austère pudeur, allaient, du temps de Tibulle, consulter les prêtres d’Isis sur la fidélité de leurs amants. Des hommes dégradés, de vils eunuques d’Asie, étaient les prêtres de ces divinités étrangères ; et tandis qu’autrefois le service des dieux de la patrie était confié aux mains des premiers citoyens, des généraux, des magistrats, un bateleur, qui n’était pas Romain, qui n’était pas même homme, était le ministre de ces cultes nouveaux transplantés à Rome d’Égypte ou d’Asie. Si le peuple se livrait avidement à ces spectacles grotesques, s’il préférait à la majestueuse procession des vestales le sistre et les grelots des prêtresses d’Isis, ou les rapides évolutions, les tournoiements bizarres des prêtres mutilés de Cybèle, les grands, les riches de Rome s’initiaient, avec plus d’ardeur encore, à des mystères, non de religion, mais de débauche, et variaient leur ennui par les inventions mystiques et voluptueuses de ces charlatants d’Asie. L’ancienne confarréation du patriciat, cette espèce d’union à la fois religieuse et aristocratique, était si fort négligée, que, du temps de Tibère, on ne put trouver trois patriciens offrant les conditions nécessaires pour le sacerdoce. Mais Néron se fit prêtre de la déesse syrienne, et lui offrit publiquement des sacrifices, en long habit de lin, et la tête couronnée d’une mître orientale. Dans cette espèce de folie que font naître le crime et le pouvoir absolu, il s’entourait de magiciens, leur prodiguait ses trésors, et voulait par leur secours évoquer les mânes.

En même temps, l’horreur de ces temps désordonnés, les