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saient de grands efforts pour conserver à leurs temples le droit d’asile et le défendaient avec obstination, quelquefois par des émeutes populaires. Le Sénat romain, sous Tibère, il est vrai, passa beaucoup de temps à vérifier les titres et à écouter les traditions fabuleuses sur lesquelles on appuyait ce droit d’asile. Il supprima ou réduisit quelques-uns de ces priviléges, mais avec réserve, et en ménageant la superstition des peuples, qui n’avaient plus guère d’autres droits sous la puissance romaine.

Il semble que la Grèce ne pouvait pas plus se séparer de l’idolâtrie que des arts. Partout sillonnée de monuments et de fictions, elle était comme le Panthéon de l’univers païen ; on n’y pouvait faire un pas sans rencontrer quelque chef-d’œuvre des arts consacrant une tradition religieuse. Mais l’incrédulité s’était depuis longtemps glissée parmi les desservants des temples ; elle s’était encore accrue par les malheurs de la Grèce. Ce peuple de rhéteurs et de philosophes que produisait la Grèce oisive et subjuguée était plus hardi que ne l’avait été Socrate.

Sous la conquête romaine, qui remplaçait l’empire macédonien, il ne restait aux villes grecques qu’un régime municipal, au lieu de leurs anciennes institutions. Les Romains s’inquiétaient peu d’une liberté philosophique qui n’ôtait rien à l’obéissance. Il n’y avait plus de tribunes dans la Grèce ; mais les sophistes pouvaient plus librement que jamais, dans leurs écoles, railler le culte des dieux. Les noms de toutes les sectes se conservaient ; mais celle d’Épicure et celle des cyniques étaient les plus puissantes et les plus populaires : elles se moquaient à la fois de l’ancienne religion et de l’ancienne philosophie ; elles appelaient la licence des mœurs au secours de l’irréligion. Lucien fut le Voltaire de cette école ; il finit la dispute par la moquerie de toutes les opinions.

Mais avant que le polythéisme grec fût arrivé à ce point de n’être plus qu’un objet de ridicule pour les Grecs eux-mêmes, il s’était successivement affaibli dans les esprits, par mille causes diverses.

Dès le temps de Cicéron, c’était une vérité commune que les