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premières qui dégagent l’âme des objets sensibles, la rendent propre à saisir les choses intellectuelles, à contempler le beau, le vrai dans son essence. » Il me fit le plus grand éloge de ces diverses connaissances et me dit qu’elles étaient indispensables ; mais je lui répondis que je les ignorais complettement, et là-dessus il me congédia. Je fus, comme vous le pensez, fort affligé de me voir ainsi trompé dans mes espérances, d’autant plus que je lui croyais quelque savoir ; mais songeant à tout le temps que me demanderaient ces études, je ne pus supporter l’idée de me voir rejeté si loin de mon but. Je ne savais plus à quoi me résoudre, lorsque je pensai aux platoniciens ; ils étaient en grande vogue. Un des plus célèbres venait d’arriver à Naplouse, c’est avec lui que je me liai principalement ; je gagnais beaucoup à ses conversations, mon esprit grandissait tous les jours. Ce que je pus comprendre des choses immatérielles me transportait, et la contemplation des idées donnait comme des ailes à ma pensée : je croyais être devenu sage en peu de temps, et telle était ma folie, que je conçus l’orgueilleux espoir de voir bientôt Dieu lui-même, car c’est là le but que se propose la philosophie de Platon.

III. Cette disposition d’esprit me faisait chercher les plus profondes solitudes et fuir toute trace d’hommes, je me retirai donc dans une campagne à peu de distance de la mer ; comme j’approchais de l’endroit que j’avais choisi pour être seul avec moi-même, je m’apperçus qu’un vieillard d’un aspect vénérable, et d’une physionomie pleine de douceur et de gravité, me suivait d’assez près ; je m’arrêtai en me tournant vers lui et je le regardai avec beaucoup d’attention : — Vous me connaissez donc, me dit-il ?

— Non, lui répondis-je.

— Pourquoi donc me regarder ainsi ?

— Je m’étonne, lui répondis-je, de vous voir avec moi dans ce lieu, je m’y croyais seul.

— Je suis inquiet, me répondit le vieillard, de quelques-uns de mes amis ; ils sont partis pour un long voyage : je n’en ai pas de nouvelles. Je suis venu sur les bords de la mer pour