tâcher de les découvrir de quelques côtés. Mais vous, quel motif vous amène en ces lieux ?
— J’aime, répondis-je, les promenades solitaires où rien ne distrait l’esprit, où l’on peut librement causer avec soi-même. Ces lieux sont bien propres aux graves études.
— Je le vois, vous êtes philologue, c’est-à-dire ami des mots, et non des œuvres et de la vérité. Vous aimez mieux être un raisonneur qu’un homme d’action.
— Eh ! lui dis-je, quoi de plus grand et de plus utile que de montrer aux hommes que c’est la raison qui doit commander en nous ; que d’étudier, en la prenant soi-même pour guide et pour appui, les passions et les erreurs qui travaillent les autres ; que de sentir combien leur conduite est insensée et déplaît à Dieu ! Sans la philosophie et sans une droite raison, il n’y a pas de sagesse dans l’homme ; tout homme doit donc s’appliquer à la philosophie, la regarder comme la plus noble, la plus importante des études, et placer les autres au second ou au troisième rang. D’ailleurs celles-ci, selon moi, ne sont utiles, estimables qu’autant qu’un peu de philosophie vient s’y mêler ; mais sans philosophie, elles sont fastidieuses, indignes d’un homme libre et bonnes à être reléguées parmi les arts purement mécaniques.
— Ainsi, selon vous, la philosophie fait le bonheur ?
— Oui, lui répondis-je, elle et elle seule.
— Eh bien ! dites-moi ce que c’est que la philosophie et quel est le bonheur qu’elle procure, si toutefois rien ne vous empêche de nous le dire ?
— La philosophie, répondis-je, c’est la science de ce qui est, c’est la connaissance du vrai ; et le bonheur, c’est la possession même de cette science, de cette connaissance si précieuse.
— Mais qu’est-ce que Dieu ? me dit-il.
— Je définis Dieu, l’être qui est toujours le même et toujours de la même manière, la raison et la cause de tout ce qui existe.
Le vieillard m’écoutait avec plaisir ; il me fit ensuite cette question :