Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 2.djvu/408

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lieu d’examiner si elles sont bonnes ou mauvaises, n’a tant d’empire sur l’âme qu’à raison du corps, où donc est l’équité d’un tel jugement ? Eh quoi ! le corps éprouve les premières sensations, il entraîne le consentement de l’âme, il l’associe aux actes qu’il exige, et celle-ci est seule responsable de ces actes ? La convoitise, les voluptés, la crainte et la douleur, dont les excès sont dignes de châtiment, ne reconnaissent d’autre principe que le corps ; et cependant les fautes qui en sont la suite, et le châtiment de ces fautes, pèseraient tous sur l’âme seule ; sur l’âme, par elle-même, exempte de tous ces besoins, à l’abri de la convoitise, de la crainte et de toutes les passions auxquelles l’homme est sujet ? Et quand même on attribuerait à l’homme, et non point au corps seulement, tous ces mouvements tumultueux, ce qui est très-raisonnable, puisque sa vie résulte de l’union de deux substances différentes, encore ne dirons-nous point que ces mouvements puissent convenir à l’âme, si nous considérons attentivement sa nature en elle-même. En effet, si elle n’éprouve aucun besoin d’aliment, sans doute elle ne désirera point ce qui est inutile à son existence, elle ne se portera point vers des objets dont elle ne peut user ; elle sera insensible à la pauvreté, à la privation de biens dont elle n’a que faire.

En outre, si elle est au-dessus de la corruption, elle n’a point à redouter ce qui donne la mort ; elle n’appréhende ni la faim, ni la maladie, ni l’amputation des membres, ni aucun danger ; elle ne craint ni le fer, ni le feu ; car rien de tout cela ne saurait lui causer la moindre douleur, la plus légère affliction, puisque sa nature la soustrait aux impressions qui n’affectent que le corps. S’il est absurde d’imputer à l’âme ces divers mouvements, comme s’ils lui étaient propres, ne serait-ce pas le comble de l’injustice, ne serait-il pas indigne de Dieu, de faire peser sur elle seule le poids des fautes qui en résultent, et des supplices qui sont attachés à ces fautes ?

XXII. Puisque la vertu est de l’homme, et que le vice qui lui est opposé n’appartient point à l’âme séparée du corps ou existant par elle-même, peut-on raisonnablement en faire le par-