Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 3.djvu/102

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par un tour de gobelet, le petit calice vient à remplir le plus grand, et le remplit jusqu’à répandre : par ces manœuvres et d’autres semblables, il entraîne un grand nombre de Chrétiens qui se laissent tromper. Pourquoi ne serait-il pas permis de croire que, lié par un pacte infernal à l’esprit des ténèbres, cet imposteur n’ait le pouvoir de feindre l’esprit prophétique et de transmettre aux femmes qu’il en croit digne cette même faculté ? Ces femmes, auxquelles il semble prodiguer ses attentions, ne sont pas les moins élégantes, les moins belles, les moins riches. Quelquefois on le voit leur parler avec tendresse : « Je veux bien, leur dit-il, vous mettre en communion de mes grâces, parce que le créateur se plaît à contempler votre ange et à le contempler toujours. C’est dans nous que réside le siége de votre grandeur ; ne faisons plus qu’un désormais. Je vous donne ma grâce, recevez-la, je vous la donne de ma propre volonté comme une première faveur ; parez-vous comme la fiancée dans l’attente de son bien-aimé ; parez-vous, afin que vous et moi, moi et vous, tous deux, nous n’ayons plus qu’une seule âme. Que le lit nuptial reçoive une semence de lumière ; un époux vous viendra de moi, que votre âme se grandisse pour le comprendre, pour en être comprise, pour être absorbée en lui. Voici que sur vous ma grâce est descendue, ouvrez la bouche, et prophétisez. — Mais je n’ai jamais prophétisé, et j’en ignore l’art, répond la femme étonnée. » Alors se font sur elle de nouvelles invocations : on la frappe d’étonnement et de stupeur ; on lui donne d’elle-même une haute idée : « — Ouvrez la bouche, que toute parole prononcée par vous soit une prophétie désormais. » Ainsi hors d’elle-même, et livrée tout entière à l’ivresse de l’orgueil, l’imagination exaltée, le cœur ému, pleine d’audace et cédant pour ainsi à l’impulsion d’un esprit supérieur, elle prononce à haute voix toutes les paroles folles, incohérentes, impudentes même, qui lui viennent à la bouche. Un homme, dont nous ne parlons qu’avec la plus respectueuse vénération, appelle ces prophétesses une âme gonflée d’air et de néant. La prophétesse ne tarde pas à vouloir payer à Marcus sa dette de re-