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et à la raison ? D’ailleurs, n’enseignent-ils pas que Nus, qui avait voulu aussi trouver le Père, cessa ses recherches lorsqu’il se fut convaincu qu’il était introuvable et incompréhensible ?

Mais comment l’enthymèse de Sophia, si on la suppose séparée de cette même Sophia, aurait-elle pu concevoir les passions qu’on attribue à Sophia ? Car l’affection pour quelque chose ne peut se concevoir sans cette chose, ni en être séparée. Or, une semblable proposition est non-seulement une chimère, mais c’est de plus une violation de cet enseignement du Sauveur, où il dit : « Cherchez, et vous trouverez ; » car il indique cette recherche à ses disciples, comme étant le vrai chemin de la perfection. Tout au contraire, le Christ des valentiniens veut qu’on soit imparfait, si l’on recherche Dieu et la vérité ; et, ce qui est plus singulier encore, ces hérétiques prétendent que pour eux-mêmes la perfection consiste dans la recherche de leur Bythus, tandis qu’ils veulent que pour leurs Æons elle soit dans la conviction que ce même Bythus est introuvable.

Dès lors qu’on ne saurait concevoir l’enthymèse séparée de l’Æon dont elle faisait partie, la distinction en deux parts que l’on veut faire de cette enthymèse, pour en faire sortir l’origine et la substance de la matière, paraîtra de plus en plus extravagante. On dirait, à les entendre ainsi débiter des blasphèmes impies, que Dieu n’a point dans son Verbe, et que la parole humaine n’a point dans ses ressources, le moyen de les confondre. Ils disent donc que tout ce que Sophia comprenait il l’aimait, et que tout ce qu’il aimait il le comprenait ; ensorte que son enthymèse n’était autre chose, chez lui, qu’un désir infini de comprendre l’incompréhensible, car il aimait l’impossible. Comment donc l’amour et la compréhension pouvaient-ils agir séparément dans son enthymèse, et devenir ainsi la cause de la matière de l’univers, puisque l’enthymèse était l’amour, et l’amour, l’enthymèse ? On ne peut donc concevoir l’enthymèse de l’Æon sans l’Æon, ni les affections de l’Æon sans son enthymèse. Ainsi s’évanouit toute leur argumentation.

Mais comment cet Æon était-il susceptible de souffrance et