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en ajoutant que les apôtres, s’accommodant aux circonstances, auraient conformé leurs doctrines à la capacité de leurs auditeurs, et leurs réponses à la disposition d’esprit de ceux qui les interrogeaient ; distribuant ainsi les ténèbres à ceux qui étaient dans les ténèbres, la langueur à ceux qui étaient languissants, et l’erreur à ceux qui étaient dans l’erreur ; annonçant le vrai Dieu à ceux-là qui y croyaient, et noyant dans les obscurités d’un mystère incompréhensible le dogme d’un Dieu sans nom pour s’accommoder à ceux qui aiment ces obscurités : ensorte que le maître et les disciples, au mépris de la vérité, et agissant d’après un vaste système d’hypocrisie, auraient prêché autant de doctrines qu’il y a de différentes intelligences.

En agir ainsi, ce ne serait pas apporter la santé et la vie, mais bien plutôt aggraver la maladie et l’ignorance chez ceux qui sont malades ; et ne mériteraient-ils pas l’exécration générale, ceux qui, au lieu de remettre les aveugles dans le bon chemin, les conduiraient vers les précipices ? Mais les apôtres étaient envoyés pour ramener à la vérité ceux qui étaient dans l’erreur, pour rendre la vue à ceux qui ne voyaient pas, et la santé à ceux qui étaient malades ; ils ne pouvaient donc parvenir à ce résultat que par la manifestation entière de la vérité, et non point en flattant les erreurs particulières de chacun. Que dirait-on de gens qui, voyant des malheureux privés de la vue et engagés déjà dans un chemin plein de dangers, les exhorteraient à persévérer dans la même route, comme étant la bonne voie ? Quel est le médecin qui, pour opérer une guérison, prendrait plutôt pour règle les fantaisies de son malade que les principes de la médecine ? Notre Seigneur n’est-il pas venu pour guérir ceux qui souffrent, ainsi qu’il nous le dit lui-même par la bouche de saint Luc : « Le médecin est pour les malades, et non pour ceux qui sont en santé ; je suis venu pour appeler les pécheurs, et non pas les justes, à la pénitence. » Or, comment ceux qui sont malades seront-ils guéris, et comment les pécheurs consentiront-ils à faire pénitence ? Sera-ce en persévérant dans leur état de maladie ou de péché, ou, au contraire, en suivant un régime tout