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SAINT IRÉNÉE.

nière figurative, qu’il n’y a que le Père commun des deux synagogues qui puisse donner à l’une et à l’autre des enfants d’adoption. Or, ce père de tout le genre humain n’est autre que le verbe de Dieu, comme le dit Moïse : « N’est-ce pas lui qui « est ton père, qui t’a possédé, qui t’a fait et qui t’a créé ? » Et quand a-t-il répandu sur le genre humain cette semence de la vie éternelle, qui nous vivifie et nous lave de nos péchés ? N’est-ce pas par son incarnation, par son séjour sur la terre, et lorsqu’il buvait du vin de la vigne ? « Car le Fils de l’homme, dit l’Évangile, est venu mangeant et buvant.» Lorsque Loth eut bu, il se coucha et s’endormit dans un profond sommeil ; ainsi en est-il du Christ, qui dit par la bouche de David : « Je me suis endormi, j’ai été plongé dans un sommeil profond. » Et comme ces choses avaient lieu, pour qu’il vînt à nous et pour notre salut, il dit dans Jérémie : « Et j’ai vu, et mon sommeil m’a été doux. » Que marque donc tout ce qui est arrivé à Loth, sinon que la semence de tous les Chrétiens, c’est-à-dire l’esprit de Dieu, par qui tout a été créé, s’est uni et s’est mêlé à la chair, c’est-à-dire à sa créature. C’est cette union et ce mélange qui sont l’origine des deux synagogues, c’est-à-dire des deux peuples, l’ancien et le nouveau, qui engendrent sans cesse au Dieu vivant des enfants vivants de l’adoption.

Quant à la femme de Loth, changée, à la sortie de Sodome, en statue d’un sel inaltérable, de chair corruptible qu’elle était, et conservant encore dans sa nouvelle forme quelque apparence des infirmités humaines, elle était la figure de l’Église, qui est, pour ainsi dire, le sel de l’humanité, qui est placée aux confins du monde des passions, et qui pardonne toutes les faiblesses de la nature humaine. Et ce qu’on raconte de cette statue, que les fragmens qu’on en détachait se remplaçaient aussitôt, la statue demeurant toujours entière, peut être considéré comme la figure du fondement inaltérable de notre foi, la pierre angulaire de l’Église, et le point de départ d’où s’élancent les enfants de Dieu pour aller dans le sein de leur père céleste.