Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/84

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sif. Jadis très puissante, l’agglomération des Nyellim tenait toute la région sous son joug. Aujourd’hui très déchus, une partie d’entre eux sont soumis aux Bouas, groupement païen très considérable, pouvant disposer de plus de mille cavaliers en cas de guerre et payant lui-même tribut au Baguirmi.

L’autre groupe des Nyellim, encore nombreux, s’est retiré sur la rive gauche et habite des montagnes rocheuses où ils sont inattaquables. Les Bouas ont essayé à maintes reprises, mais sans succès, de les vaincre. Nous arrivons chez eux le lendemain ; leur chef se nomme Togbao. Nous y rencontrons quelques Baguirmiens qui viennent nous souhaiter la bienvenue. Nous échangeons des cadeaux, mais le sentiment général est la méfiance. Les rives rocheuses ne nous procurent pas de bois ; nous en achetons à grand’peine et de mauvaise qualité. Nous avions atteint 9°30’.

Pendant deux jours encore, nous voguons parmi les tribus païennes, très denses, très nombreuses. Nous traversons le pays des Miltous, des Bouas, des Sarouas, et le 7 septembre nous mouillons au village de Bousso, au cœur du Baguirmi.

On est tout à fait étonné en voyant combien rapidement s’exerce l’action musulmane parmi les peuplades païennes. Il y a cinquante ans à peine, les Bousso n’étaient pas supérieurs aux autres païens que nous venions de rencontrer. Aujourd’hui, tous vêtus, ayant le sentiment d’une hiérarchie, d’une autorité, tout ce peuple semblait avoir derrière lui des siècles de civilisation. Ils vivaient dans la barbarie, ils sont maintenant en plein Moyen âge et cinquante ans à peine ont suffi pour faire franchir à ces primitifs une telle étape. Grâce à Ahmed, l’accueil, d’hostile qu’il était au début, devint bientôt meilleur. Toutefois nous ne réussîmes pas à faire porter un message au sultan du Baguirmi, dont la résidence était située à cinq jours de marche de là. Force donc nous fut de reprendre notre route.

Les rives du Chari, assez élevées, sont très peuplées. Nous laissons successivement derrière nous les grands centres de Laffana et de Maffaling et le village moins important de Baïn-