Page:Germain - Œuvres philosophiques, 1896.djvu/195

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est une force constante ; l’autre a besoin d’être mise en action pour acquérir de la valeur. Le souvenir la reproduit imparfaitement, et son effet, s’affaiblissant en raison de l’éloignement de la cause qui l’a produite, finit par laisser à la première une prépondérance marquée. C’est par une raison toute semblable que l’amateur, quelles que soient d’ailleurs la puissance de sa raison et la délicatesse de son goût littéraire, n’est pas choqué des invraisemblances et du peu de liaison entre les scènes lyriques. Pénétré d’une vive émotion par ce qu’il entend actuellement, il n’a pas le loisir d’apercevoir quel en est l’à-propos. Le compositeur habile, semblable en cela aux grands orateurs, s’empare de l’attention de ses auditeurs ; leur âme est, pour ainsi dire, dans sa main ; il dispose de leurs sentiments. Après avoir jeté le trouble dans leurs facultés, et lorsqu’il sent que ce trouble ne peut plus croître, il ne laisse pas affaiblir une impression qui est son triomphe ; il veut qu’une impression différente la remplace et conserve ainsi, à l’empire qu’il exerce sur les âmes, toute sa force et toute sa puissance. Avec quel art il en ménage les moyens ! Il connaît, il mesure les sentiments qu’il fait