Page:Germain - Œuvres philosophiques, 1896.djvu/196

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naître ; il sait combien de temps nous pouvons en être possédés ; il se garde d’atteindre la limite de nos facultés. Ce qui est extrême échappe à notre perception ; la faculté de sentir a ses bornes, et cela tient à la nature de notre être. Un violent malheur, dans les premiers moments de son apparition, n’est pas senti plus vivement qu’un malheur moindre ; mais les instants qui succèdent nous font reconnaître les différences. Et la raison en est applicable à toutes choses, parce qu’elle est vraie, et que la vérité est universelle, ou, en d’autres termes, parce que les lois de l’être sont partout les mêmes.

Cette raison, la voici. Nos jugements, pour être éclairés, ont besoin de la connaissance parfaite des choses qui en sont l’objet. Une impression d’une extrême force nous bouleverse ; notre âme devient incapable de comparer, et, par conséquent, d’apprécier l’intensité du malheur qu’elle éprouve. Mais il est dans la nature des affections qui ont une cause extérieure de tendre à s’affaiblir. Un chagrin cuisant semble devenir de plus en plus poignant, parce que l’impression, qui d’abord avait été assez profonde pour