Page:Germain - Œuvres philosophiques, 1896.djvu/362

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affirme que nous en sentons le prix quand ils ont disparu. Soit, ne discutons pas. Mais voilà précisément l’utitité des monuments. Les honneurs rendus à la mémoire des bienfaiteurs de l’humanité suppléent leur présence et leurs exemples qui nous manquent ; et c’est ainsi qu’à l’aide de l’éloquence, de la poésie, des beaux-arts, ils continuent après leur mort à prêcher la vertu aux vivants. Le personnage n’est plus, mais à l’aspect de son image on se rappelle ses travaux, ses luttes — car jamais rien de grand ne s’est fait sans plus ou moins d’opposition, —sa ténacité pour léguer une découverte utile ou une belle œuvre à la postérité, sa mort tragique quelquefois, et l’on se dit avec Diderot que mieux vaut une noble chimère qui fait mépriser le repos et la vie, qu’une réalité stérile. J’ajoute que rien ne fortifie mieux en nous le sentiment de la justice ; que quiconque concentre toutes ses forces, tous ses projets, toutes ses vues dans l’instant où il vit diffère peu de la brute, et qu’il est de la nature de l’homme de s’entretenir du passé et de l’avenir.


« Sans doute, les hautes facultés et la puissance de travail qui font la gloire durable sont le privilège de quelques-uns ; sans doute les conditions sociales sont telles que le plus grand nombre des ouvriers de la tâche humaine restent, pour les générations futures, à l’état de bienfaiteurs anonymes ; mais il appartient à