Page:Germain - Œuvres philosophiques, 1896.djvu/364

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« Il convient d’y réfléchir.

« Cependant, c’est ici le lien de nous rappeler, Mesdemoiselles, ce « sentiment d’ordre et de proportions », c’est à savoir la mesure, que Sophie Germain nous conseille de respecter toujours. La mesure, ce semble, est en toutes choses et surtout dans une matière aussi délicate, difficile à trouver. Essayons.

« Rendre une justice solennelle aux créateurs du patrimoine intellectuel et moral dont nous profitons, cela est bien ; mais il importe aussi de ne pas laisser notre esprit s’attarder dans une vénération bénévole : si, depuis les tailleurs de silex des cavernes jusqu’aux promoteurs de la déclaration des Droits de l’homme, nous saluons ceux qui ont mis le bien-être où était le dénûment, le savoir où était l’ignorance, la dignité civique où était l’oppression, c’est précisément pour les remercier de nous avoir arrachés aux lamentables conditions de notre origine, de nous avoir affranchis du passé. Gardons-nous des cultes inconscients. Telle doctrine fut autrefois un procédé de civilisation qui, dans un milieu plus éclairé, devient un moyen d’arrêter tout progrès ; or, le progrès étant la loi de l’histoire, le passé est respectable surtout par la raison qu’il prépare l’avenir. Nous vivons dans un temps où il n’est plus permis, tant le savoir est accessible à tout le monde, de croire, à la façon de saint Augustin, parce que c’est absurde.

« Vous souvient-il de la fable où des jeunes gens