Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amusant qu’on plaît. On n’amuse pas même si l’on s’amuse : c’est en faisant croire que l’on s’amuse.

Ce qui prouve la vanité des réputations, c’est la facilité de faire des dupes. Je parie que M. de Voltaire y auroit été pris, si à un dîner chez lui j’avois préparé d’avance un sot à jouer le rôle d’un homme d’esprit : il l’auroit étonné. Deux sots même qui n’auroient que l’adresse d’être le compère l’un de l’autre, attraperoient tout le monde.

C’est pour cela qu’il faut se méfier des dîners des gens d’esprit. Pour juger l’homme qui en a, il faut le prendre au saut du lit. Si avant d’avoir rassemblé toutes ses idées et repris ses esprits, il a du trait, de la conception, de la repartie, de la force ou de la naïveté, c’est sûrement un homme d’esprit.

IL ne faut peut-être pas toujours avoir raison pour plaire : il y a une manière d’avoir tort qui est faite pour réussir. Il y a même des travers fort agréables, quand ils ne sont pas joués.