Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/284

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Il ne faut point avoir de gloire dans les tems ou les pays où peu de gens la connoîssent. Elle sera flétrie tout de suite. Trois classes de gens y contribueront : les envieux, les dénigreurs et les non-appréciateurs. Voyez le tems du grand Condé en France, et celui du prince Eugène chez nous. Comme il existoit d’autres héros, et qu’il y avoit de la gloire pour plusieurs, on ne la disputoit pas. Le siècle étoit monté à l’honneur. Malheur à celui qui veut des lauriers au milieu de gens qui n’en ont pas ! il sera écrasé. Ce qui console de n’avoir point de gloire, c’est qu’on la refuse souvent aux grands hommes. J’ai ouï dire que le Roi de Prusse Frédéric, le grand Frédéric, étoit un poltron.

Il ne faut pas se faire un monstre du plus beau des malheurs, de la guerre. J’ai vu tant de beaux traits d’humanité, tant de bien pour réparer un peu de mal, qu’il ne m’est pas possible de regarder la guerre tout-à-fait comme une abomination, si l’on ne pille ni ne brûle, et s’il n’y a d’autre mal que de tuer ceux qui périroient quelques années plus tard moins glorieusement. J’ai vu mes grenadiers