Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/162

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placez-vous ici entre cette charmante enfant et moi ; çà ! décoiffons une bouteille en l’honneur du père : à vous, tope ! Et nous voilà à flûter. Et vous, lecteur, que ferez-vous pendant que nous viderons nos bouteilles ? Tenez ! amusez-vous à lire ce rogaton.

Le père Casimir était d’une taille médiocre, brun de visage, d’un ventre de prélat. Il avait des yeux qui vous enculaient de cent pas, et qui ne s’attendrissaient qu’à la vue d’un joli garçon. Alors le bougre, en rut, hennissait. Sa passion pour l’antiphysique était si bien établie, que les Savoyards le redoutaient. Aisément l’on tombait dans ses filets ; il était auteur et bel esprit à la mode ; censeur caustique, écrivain sec, plaisant sans légèreté, ironique sans délicatesse. Il s’était fait un nom par des écrits qui n’avaient d’autre mérite que celui de la méchanceté. Le succès de ses satires le consolait des coups de bâton dont on le régalait quelquefois. Il faut pourtant convenir qu’on avait tort de le maltraiter ainsi ; car, quoique les satires parussent sous son nom, le pauvre père n’y avait souvent d’autre part que le soin qu’il s’était donné de rédiger les écrits de ceux qui travaillaient sous ses yeux. Il cultivait les petits talents qu’il leur connaissait, leur distribuait sa matière, revoyait leur ouvrage, le faisait imprimer, et en recueillait souvent des fruits bien amers. Il n’en était pas moins hardi ; et tel que l’avare qui se console des huées du peuple en