Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/180

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lère. Voilà, messieurs, ce que j’avais à vous proposer. Ils applaudirent tous à cet heureux essor de mon imagination. On tire au sort, je tends la bague, on court : un, deux, trois passent sans m’enfiler, et vont tomber sur mes sœurs, qui leur font oublier leur malheur par toutes sortes de plaisirs. Un quatrième vient, c’était vous, père prieur. Ah ! je payai votre adresse par les transports les plus vifs ; et si le plaisir qu’on goûte par une décharge mutuelle fait concevoir, vous partagez la gloire d’avoir fait Saturnin avec quatre ou cinq de ceux qui vous suivirent. Oui, mon ami, continua-t-elle en s’adressant à moi, tu as l’avantage d’être au-dessus des autres hommes, qui peuvent bien dire le jour de leur naissance, mais non pas celui où ils ont été faits.

Telles étaient nos conversations dans la piscine, tels étaient les plaisirs que nous y goûtions. Je ne m’y rendais pas le dernier. Toutes les nuits j’allais chez le prieur ou chez le dépensier : J’étais infatigable ; je conduisais toujours la bande joyeuse. Bref, j’étais l’âme et les délices de la piscine ; tout, jusqu’aux vieilles, tout tâta de mon vit. La réflexion cependant perçait quelquefois au milieu de mes plaisirs ; toutes nos sœurs me paraissaient charmées de leur sort. Je ne pouvais concevoir que des femmes, dont le naturel est vif et dissipé, eussent pu, sans frayeur, concevoir le dessein de passer leur vie dans une pareille retraite, y vivre sans dégoût et être sensibles à des