Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/199

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— Oui, c’est elle, lui répondis-je ; mais c’est un secret qu’elle n’a confié qu’à moi, et ce n’est qu’à mes importunités que je le dois. — Comment, reprit Monique, tu es le frère de Suzon ? Ah ! je ne me plains plus d’elle : si je le faisais, je me mettrais dans la nécessité de la défendre contre les plaintes que tu en ferais à ton tour, car elle ne m’a pas caché ce qui lui était arrivé avec toi.

Nous nous attendrîmes sur le sort de Suzon et la sœur Monique continua ainsi :

Puisqu’elle t’a conté mon aventure avec Verland, c’est de ce dernier que je vais te parler. Ma métamorphose l’avait surpris ; il m’avait vue à la grille vive, coquette : une longue absence ne m’avait pas effacée de son souvenir. À son retour le bruit de ma dévotion éclatant, il ne voulut en croire que ses yeux. Il me vit à l’église, et l’amour l’y suivit.

En parcourant des yeux tous ceux qui m’environnaient, j’aperçus Verland ; je rougis à la vue d’un homme qui avait autrefois été témoin de ma faiblesse, et je rougis encore plus de ne pouvoir lui cacher les dispositions où mon cœur était de retomber dans les mêmes fautes. L’âge, en tempérant sa vivacité, avait rendu ses grâces plus mâles et plus touchantes. Sa présence ralluma mes désirs ; ils m’entraînaient tous les jours au même endroit, et tous les jours je l’y voyais aussi attentif à me regarder et aussi tendre dans ses regards. Mes yeux lui firent sentir combien j’é-