Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/45

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portais des regards enflammés sur toutes les parties de mon corps ; je brûlais, j’écartais les cuisses, je soupirais ; mon imagination échauffée me présentait un homme, j’étendais les bras pour l’embrasser, mon conin était dévoré par un feu prodigieux : je n’avais jamais eu la hardiesse d’y porter le doigt. Toujours retenue par la crainte de m’y faire mal, j’y souffrais les plus vives démangeaisons sans oser les apaiser. Quelquefois j’étais prête à succomber ; mais, effrayée de mon dessein, j’y portais le bout du doigt, et je le retirais avec précipitation ; je me le couvrais avec le creux de la main, je le pressai. Enfin, je me livrai à la passion, j’enfonçai, je m’étourdis sur la douleur, pour n’être sensible qu’au plaisir ; il fut si grand que je crus que j’allais expirer. Je revins avec une nouvelle envie de recommencer, et je le fis autant de fois que mes forces me le permirent. J’étais enchantée de la découverte que je venais de faire : elle avait répandu la lumière dans mon esprit. Je jugeai que, puisque mon doigt venait de me procurer de si délicieux moments, il fallait que les hommes fissent avec nous ce que je venais de faire seule, et qu’ils eussent une espèce de doigt qui leur servît à mettre où j’avais mis le mien, car je ne doutais pas que ce ne fût là la véritable route du plaisir. Parvenue à ce degré de lumière, je me sentais agitée du désir violent de voir dans un homme l’original d’une chose dont la copie m’avait fait tant de plaisir.