Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/50

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me châtierait. On se mit en devoir de le faire : je l’avais prévu. Je m’étais cantonnée dans ma chambre : on força ma porte, on m’attaqua. Je mordis l’une, j’égratignais l’autre, donnai des coups de pied, déchirai des guimpes, arrachai des bonnets ; enfin, je me défendis si bien que mes ennemies renoncèrent à leur entreprise. Elles n’emportèrent de leur action que la honte d’avoir fait voir que six mères n’avaient pu réduire une jeune fille : j’étais une lionne dans ce moment.

La rage et le soin de ma défense m’avaient jusqu’alors entièrement occupée. Je ne songeai qu’à donner le démenti aux vieilles, mais je devins bientôt aussi faible que j’étais hardie et vigoureuse auparavant. La colère fit place au désespoir. Moins flattée du plaisir de me voir en sûreté que pénétrée de l’affront qu’on avait voulu me faire, mon visage était baigné de larmes. Comment reparaître dans le couvent ? disais-je ; je vais être moquée : peu me plaindront, toutes me fuiront. Ah ! me voilà couverte de honte ! mais je veux aller trouver ma mère, poursuivis-je ; elle pourra me blâmer, mais peut-être me pardonnera-t-elle. Un garçon m’a… Eh bien, où est donc le grand crime ? Y ai-je consenti ? C’est ainsi que je raisonnais. Oui, continuai-je, je vais la trouver. Je me levai de dessus mon lit à ce dessein, et j’y aurais été, si, en faisant un pas pour ouvrir la porte, je n’eusse marché sur quelque chose qui roula et me fit tomber.