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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. II.

taient sans cesse cette vie indépendante à laquelle ils avaient été accoutumés. Le désespoir leur donna souvent des armes, et leur soulèvement mit plus d’une fois la république sur le penchant de sa ruine[1]. On établit contre ces ennemis dangereux de sévères règlemens[2] et des châtimens cruels, que la néces-

    drachme, et un esclave quatre drachmes, environ 3 schellings. (Plutarque, Vie de Lucullus, p. 580.)

  1. Diodore de Sicile, in Eglog. hist, l. XXXIV et XXXVI ; Florus, III, 19, 20.
  2. Voyez un exemple remarquable de sévérité dans Cicéron, in Verrem, V, 3. (*)
    (*) Voici cet exemple : on verra si le mot de sévérité est ici à sa place.
    Dans le temps que L. Domitius était préteur en Sicile, un esclave tua un sanglier d’une grosseur extraordinaire. Le préteur, frappé de l’adresse et de l’intrépidité de cet homme, désira de le voir. Ce pauvre malheureux, extrêmement satisfait de cette distinction, vint en effet se présenter au préteur, espérant sans doute une récompense et des applaudissemens ; mais Domitius, en apprenant qu’il ne lui avait fallu qu’un épieu pour vaincre et tuer le sanglier, ordonna qu’il fût crucifié sur-le-champ, sous le barbare prétexte que la loi interdisait aux esclaves l’usage de cette arme, ainsi que de toutes les autres. Peut-être la cruauté de Domitius est-elle encore moins étonnante que l’indifférence avec laquelle l’orateur romain raconte ce trait, qui l’affecte si peu, que voici ce qu’il en dit : Durum hoc fortasse videatur, neque ego in ullam partem disputo. « Cela paraîtra peut-être dur ; quant à moi je ne prends aucun parti. » Cic., in Verr., act. 2, 5, 3. – Et c’est le même orateur qui dit dans la même harangue : Facinus est vincire civem romanum ; scelus verberare ; propè parricidium necare : quid dicam in crucem tollere ? « C’est un délit de jeter dans les fers un citoyen romain ; c’est un crime de le frapper, presque un parricide de le tuer : que dirai-je de l’action de le mettre en croix ? »
    En général, ce morceau de Gibbon, sur l’esclavage, est plein non-seulement d’une indifférence blâmable, mais encore d’une exagération d’impartialité, qui ressemble à de la mauvaise foi. Il s’applique à atténuer ce qu’il y avait d’affreux dans la condition des esclaves, et