Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/329

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l’infortunée Julie fut obligée d’arrêter le cours de ses pleurs, d’étouffer ses soupirs, et de recevoir le meurtrier avec des marques de joie et d’approbation. On prétend que vingt mille personnes de l’un et de l’autre sexe souffrirent la mort, sous le prétexte vague qu’elles avaient été amies de Géta. L’arrêt fatal fut prononcé contre les gardes et les affranchis du prince, contre les ministres qu’il avait chargés du gouvernement de son empire, et contre les compagnons de ses plaisirs. Ceux qu’il avait revêtus de quelque emploi dans les armées et dans les provinces furent compris dans la proscription, dans laquelle on s’efforça d’envelopper tous ceux qui pouvaient avoir eu la moindre liaison avec Géta, qui pleuraient sa mort, ou même qui prononçaient son nom[1]. Un bon mot déplacé coûta la vie à Helvius Pertinax, fils du prince de ce nom[2]. Le seul crime de Thrasea-Priscus fut d’être descendu d’une famille illustre, dans laquelle l’amour de la liberté semblait héréditaire[3]. Les moyens particuliers de

  1. Dion, l. LXXVII, p. 1290 ; Hérodien, l. IV, p. 150. Dion-Cassius dit (p. 1298) que les poètes comiques n’osèrent plus employer le nom de Géta dans leurs pièces, et que l’on confisquait les biens de ceux qui avaient nommé ce malheureux prince dans leurs testamens.
  2. Caracalla avait pris les noms de plusieurs nations vaincues. Comme il avait remporté quelques avantages sur les Goths ou Gètes, Pertinax remarqua que le nom de Geticus conviendrait parfaitement à l’empereur, après ceux de Parthicus, Almannicus, etc. Hist. Aug., p. 89.
  3. Dion, l. LXXVII, p. 1291. Il descendait probablement