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Relâchement de la discipline.

Les sages instructions de Sévère ne firent jamais aucune impression durable sur l’âme de son fils : avec de l’imagination et de l’éloquence, Caracalla manquait de jugement ; ce prince n’avait aucun sentiment d’humanité[1] ; il répétait sans cesse « qu’un souverain devait s’assurer l’affection de ses soldats et compter pour rien le reste de ses sujets[2]. » Dans tout le cours de son règne, il suivit constamment cette maxime dangereuse et bien digne d’un tyran. La prudence avait mis des bornes à la libéralité du père, et une autorité ferme modéra toujours son indulgence pour les troupes ; le fils ne connut d’autre politique que celle de prodiguer des trésors immenses : son aveugle profusion entraîna la perte de l’armée et de l’empire. Les guerriers, élevés

    premier représente ce massacre comme un acte de cruauté ; l’autre prétend qu’on y employa aussi de la perfidie. Il paraît que les Alexandrins avaient irrité le tyran par leurs railleries, et peut-être par leurs tumultes (*).

    (*) Après ces massacres, Caracalla priva encore les Alexandrins de leurs spectacles et de leurs banquets en commun : il divisa la ville en deux parties, au moyen d’une muraille ; il la fit entourer de forteresses, afin que les citoyens ne pussent plus communiquer tranquillement. « Ainsi fut traitée la malheureuse Alexandrie, dit Dion, par la bête féroce d’Ausonie. » Telle était en effet l’épithète que donnait à Caracalla l’oracle rendu sur son compte : on dit même que ce nom lui plut fort, et qu’il s’en vantait souvent. Dion, l. LXXVII, p. 1307. (Note de l’Éditeur.)

  1. Dion, l. LXXVII, p. 1296.
  2. Dion, l. LXXVII, p. 1284. M. Wotton (Hist. de Rome, p. 330) croit que cette maxime fut inventée par Caracalla, et attribuée par lui à son père.