Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/355

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teurs, élevaient jusqu’aux cieux la grandeur d’âme et la magnificence d’un prince qui surpassait avec tant d’éclat ses timides prédécesseurs. Il se plaisait principalement à confondre l’ordre des saisons et des climats[1], à se jouer des sentimens et des préjugés de son peuple, et à fouler aux pieds toutes les lois de la nature et de la décence. Il épousa une vestale, qu’il avait arrachée par force du sanctuaire[2]. Le nombre de ses femmes, qui se succédaient rapidement, et la foule de concubines dont il était entouré, ne pouvaient satisfaire l’impuissance de ses passions. Le maître du monde et des Romains affectait par choix le costume et les habitudes des femmes. Préférant la quenouille au sceptre, il déshonorait les principales dignités de l’état en les distribuant à ses nombreux amans : l’un d’eux fut même revêtu publiquement du titre et de l’autorité de mari de l’empereur, ou plutôt de l’impératrice, pour nous servir des expressions de l’infâme Héliogabale[3].

  1. Il ne mangeait jamais de poisson que lorsqu’il se trouvait à une grande distance de la mer : alors il en distribuait aux paysans une immense quantité des plus rares espèces, dont le transport coûtait des frais énormes.
  2. Dion, l. LXXIX, p. 1358 ; Hérodien, l. V, p. 192.
  3. Ce fut Hiéroclès qui eut cet honneur ; mais il aurait été supplanté par un certain Zoticus, s’il n’eût pas trouvé le moyen d’affaiblir son rival par une potion. Celui-ci fut chassé honteusement du palais, lorsqu’on trouva que sa force ne répondait pas à sa réputation. (Dion, l. LXXIX, p. 1363, 1364.) Un danseur fut nommé préfet de la cité, un cocher préfet de la garde, un barbier préfet des provi-