Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/387

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cruauté des petits tyrans de la Perse opprimèrent sans doute leurs sujets ; mais le réformateur écrasa sous ses pas des nations entières. Il fit disparaître des villes florissantes, et leur place fut souvent marquée par des colonnes et des pyramides de têtes humaines, abominables trophées de ses victoires. Astracan, Carizme, Delhi, Ispahan, Bagdad, Alep, Damas, Bursa, Smyrne et mille autres villes, furent pillées, ou brûlées, ou entièrement détruites par ses troupes et en sa présence. Le restaurateur de l’ordre et de la paix aurait frémi peut-être, si un prêtre ou un philosophe eût osé calculer devant lui les millions de victimes qu’il avait sacrifiées pour les rétablir[1]. 2o. Ses guerres les plus sanglantes furent plutôt des incursions que des conquêtes. Il envahit successivement le Turkestan, le Kipzak, la Russie, l’Indoustan, la Syrie, l’Anatolie, l’Arménie et la Géorgie, sans avoir l’espérance ou le désir de conserver ces provinces éloignées. Il en sortait chargé de dépouilles, sans laisser après lui ni soldats pour tenir les rebelles en respect, ni magistrats pour pro-

  1. Outre les passages de ce sanglant récit, le lecteur peut se rappeler la note 2, page 260 du sixième vol. de la présente histoire, où j’ai parlé de ce conquérant ; il y trouvera le calcul de près de trois cent mille têtes qui servirent de monument à sa cruauté. Excepté la tragédie de Rowe, du 5 novembre, je ne m’attendais pas à entendre louer l’aimable modération de Timour (Préface de White, p. vij). Cependant on peut excuser l’enthousiasme généreux de la part du lecteur, et encore plus de l’éditeur des Institutions.