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Querelle entre les Grecs et les Latins.

L’invasion des Français dissipa l’illusion qui durait depuis plus de neuf siècles. Les Grecs aperçurent avec étonnement que la capitale de l’Empire romain n’était point inaccessible à une armée ennemie. Les Occidentaux avaient forcé la ville et disposé du trône de Constantin, et les souverains qui l’occupaient sous leur protection furent bientôt aussi odieux au peuple que ceux qui les y avaient placés. Les infirmités d’Isaac ajoutaient au mépris qu’inspiraient ses vices, et la nation ne considéra plus le jeune Alexis que comme un apostat qui renonçait aux mœurs et à la religion de ses ancêtres : on connaissait ou du moins on soupçonnait ses conventions avec les Latins. Le peuple, et surtout le clergé, étaient inviolablement attachés à leur foi et à leurs superstitions. Les couvens, les maisons et jusqu’aux boutiques des marchands, retentissaient de la tyrannie du pape et du danger de l’Église[1]. Un trésor épuisé fournissait difficilement au faste de la cour et aux exactions des confédérés. Les Grecs refusaient d’éviter, par une contribution générale, le danger menaçant du pillage et de la servitude ; on craignait, en opprimant les riches, d’exciter des ressentimens

  1. Nicétas, en reprochant à Alexis son alliance impie, insulte dans les termes les plus offensans à la religion du pape de Rome, μειζον και ατοϖωτατον… παρεκτροϖην πισ‌τεως… των το‌υ Παϖα προνομιων καινισμον… μεταθεσιν τε και μεταϖοιησιν των παλαιων Ρωμαιοις εθων (p. 348). Telles furent les expressions de tous les Grecs jusqu’à la subdivision totale de leur empire.