Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tagion de l’exemple. Mais un historien judicieux, qui était à Rome alors, nous assure que durant le jubilé il n’y eut jamais moins de deux cent mille étrangers dans la ville, et un autre témoin dit que dans toute l’année on y vit plus de deux millions d’étrangers. Il eut suffi d’une légère offrande de la part de chaque individu pour fournir un immense trésor, et deux prêtres, des râteaux à la main, étaient occupés nuit et jour à recueillir, sans compter, les monceaux d’or et d’argent qu’on versait sur l’autel de saint Paul[1]. Heureusement que c’était une année de paix et d’abondance ; si le fourrage fut cher, si les hôtelleries et les logemens furent à un prix énorme, l’adroit Boniface et les avides Romains avaient eu soin de préparer d’inépuisables magasins de pain et de vin, de viande et de poisson. Dans une ville dépourvue de commerce et d’industrie, on voit promptement disparaître des richesses purement casuelles. La cupidité et la jalousie de la génération suivante, demandèrent à Clément VI[2] d’accorder un nouveau jubilé sans attendre la fin du siècle. Le pape eut la bonté d’y consentir, il offrit à Rome ce misérable dédommage-

  1. Voyez Jean Villani (l. VIII, c. 36) dans le douzième Volume de la Collection de Muratori et le Chronicon Astense, dans le onzième volume (p. 191, 192) de la même Collection. Papa innumerabilem pecuniam ab cisdem accepit, nam duo clerici, cum rastris, etc.
  2. Les deux huiles de Boniface VIII et de Clément VI se trouvent dans le Corpus juris canonici (Extravag. commun., l. V, tit. 9, c. 1, 2).